Le thriller racines fines
Calculs difficiles...
Après tout le travail de nettoyage et d'analyse d'images, j'ai obtenu pour chacun de mes échantillons des valeurs de volume et de diamètres calculés par le logiciel, que tous les chercheurs et stagiaires utilisent depuis un certain temps.
Sauf que voilà, quand on trace les graphiques qui vont bien et qu'on les analyse d'un peu plus près on s'aperçoit rapidement que les valeurs de respiration par unité de volume recherchées ne sont pas cohérentes. Rien que visuellement, on a un graphique général racines fines/grosses racines assez moche:
Graphique de la respiration volumique en fonction du diamètre
On s'attend à une relation exponentielle, donc à des valeurs supérieures dans les diamètres les plus petits
Apparemment les volumes calculés sont sur-estimés et donc les valeurs de respiration volumiques bien plus faibles qu'attendues. Pour trouver une réponse à ça, je me lance dans la biblio, je discute avec mon tuteur et on se creuse la tête pour trouver une autre méthode de calcul du volume.
D'autres recherches ont déjà été menées qui comparent les différentes méthodes de calcul de volume: sans utiliser de logiciel, on peut passer par la méthode dite "d'Archimède". Autrement dit, on plonge les échantillons dans l'eau et on regarde l'augmentation de volume... oui mais maintenant que mes échantillons ont soigneusement été mis à sécher à l'étuve à 65°C: on fait comment?
La solution est de passer par la valeur de masse sèche, obtenues après passage dans ladite étuve. On refait donc des calculs sur de nouveaux échantillons, dont on mesure le volume, la masse fraîche et la masse sèche. On obtient ainsi une densité moyenne d des tissus:
d= m(sèche)/m(fraîche)
Une fois que l'on a cette densité moyenne on peut retrouver le volume V des échantillons déjà secs grâce à la relation:
V= m(sèche)/d
Comme disaient les shadock: en essayant continuellement on finit par réussir, donc plus ça rate et plus y'a de chances pour que ça marche!
Analyse d'images
Comme je l'ai expliqué, après une mesure de respiration les échantillons de racines fines sont excisés, scannés, séchés à l'étuve et pesés avant d'être broyés pour mesurer le taux d'azote.
Je n'ai pas encore terminé ce long protocole mais j'avance petit à petit... et en ce moment je suis en pleine analyse d'images numériques. Les scans de mes racines sont traitées par ordinateur grâce au logiciel Winrhizo Pro2009B (merci à lui) qui mesure entre autre la longueur des racines, leur diamètre moyen, calcule leur surface et leur volume et peut même en retourner l'architecture (nombre de ramification etc, etc).
Cependant pour avoir de belles données il faut "nettoyer" les images pour éliminer bulles d'air, déchets d'écorces, ou reflets. Je prends donc ma gomme, mes ciseaux (virtuels, bien sûr) et je nettoie:
Avant Après
Temps passé pour ce beau résultat: 2h30... Déjà parce que le désavantage du logiciel est que l'on ne peut pas revenir en arrière: un petit coup de souris à côté et Hop, on recommence du début (avant de prendre le réflexe de sauvegarder toutes les 3 minutes!). Ensuite et surtout parce que c'était encore un crash-test, pour prendre le coup de main et trouver le bon degré de nettoyage, c'est à dire jusqu'à quel grossissement aller effacer les bulles d'air.
Après comparaison des résultats pour plusieurs niveaux de précision et en prenant une erreur de mesure acceptable de 10% j'ai traité ma cinquantaine d'images à peu près comme ça:
Temps passé: 30 minutes
Maintenant que tout est nettoyé et analysé, y'a plus qu'à s'amuser à traiter les données... Prochaine étape sponsorisée par Excel Microsoft Office et R ...
Je tiens à remercier le service BBC World Service, Science Magasine et AAAS pour les podcasts ayant occupé ces loooongues heures de gommage.
Premiers crash-tests
Quand on met en place un protocole de recherche, il faudrait presque vivre sur le terrain pour se rendre compte de tous les détails pratiques.
Déjà pour le matériel on fait ce qu’on peut avec ce qu’on a: « La chambre est trop petite ? Bon j’ai vu un Tupperware dans la salle matos, on va faire des trous dedans et insérer les fils : c’est hermétique ! ». Ensuite il faut s'organiser: travailler à la fraîche pour que les racines ne se dessèchent pas, et être flexible pour éviter la pluie, incompatible avec les appareils.
Ça y est, tout est prêt: je pose mes fesses dans l’humus et commence à creuser. Après le premier échantillon je m'aperçois que je suis sur un arbre de bordure, exclu de la parcelle (deux rangées « tampon », de façon à limiter les effets de bord)... pas grave, ce n’est que la première mesure. La fin de la première série se passe bien. Mais vient ensuite la plantation mixte et différencier les racines d’Eucalyptus et d’Acacia pose un problème. Les raines peuvent pousser jusqu’à 10 mètres du tronc donc inutile de se mettre au pied de l’arbre : je ne peux prendre que celles reliées à une grosse racine reconnaissable.
Le champ de bataille "racines fines"
De retour de ma première campagne je scanne mes racines tranquillement, en perdant bien sûr 30 minutes pour brancher et mettre en route ordinateur et scanner, puis je place mes échantillons à l’étuve.
Enfin je regarde les données obtenues et réalise que les échantillons quand ils sont trop petits ne donnent pas de belles courbes : l’augmentation de la concentration en CO2 est trop faible et ne permet pas de faire une régression correcte. Je vais donc devoir refaire des mesures en modifiant le protocole... mais quelle est la meilleure stratégie ? Diminuer la taille des chambres semble le mieux car augmenter le nombre des racines prend plus de temps à récolter/scanner/analyser et ferait trop durer la campagne avec le risque de faire entrer en ligne de compte un facteur « jour de récolte ».
La théorie, super sur le papier!
Durant ce stage sur Eucalyptus et Acacias je cherche d’une part à caractériser la respiration racinaire, grâce à un modèle reliant diamètre de la racine et respiration et d'autre part à comprendre si cette respiration dépend du type de plantation (mixte ou pure).
Pour valider le modèle il faut le confronter à des mesures expérimentales représentant au mieux la population racinaire. Pour cela je couvre une gamme de diamètres la plus large possible de 0.01 cm à 10 cm. Je dispose de 2 protocoles de mesures pour chaque moitié de la population : les diamètres supérieurs à 2mm et les « racines fines ».
Après la « saga grosses racines » voici donc la « série racines fines ». Maintenant que j’ai lancé et testé le protocole pour les grosses je m’attaque aux fines. L’idée étant de ne pas regarder la racine individuellement mais plusieurs en même temps.
Les racines fines sont responsables de l’absorption des nutriments dans le sol : vivaces elles croissent très vite mais ont une durée de vie courte… sauf si elles rencontrent un endroit particulièrement riche ou humide et se lignifient avant de produire d’autres racines fines qui étendront le réseau racinaire. De par leur fonction elles ne croissent généralement pas à plus de 10 cm de profondeur.
La première étape consiste donc à creuser depuis la surface pour dégager soigneusement un groupe de racines sans les couper ni les blesser. L’échantillon dégagé je coupe les racines à la base et les place dans une chambre hermétique reliée à mon appareil de mesure. Le principe est toujours le même : l’air circule en boucle et passe devant une cellule infrarouge qui mesure la concentration en CO2.
La mesure doit être la plus rapide possible : la respiration diminuant rapidement une fois la racine coupée un délai de moins de 2’ maximum est nécessaire. Celle-ci prise, je place l’échantillon dans une glacière pour que les racines ne se dessèchent pas. De retour du terrain je scanne chaque échantillon pour les analyser ensuite graphiquement et obtenir le diamètre et la longueur. Enfin je les place à l’étuve à 65°C pendant 3 jours pour éliminer toute leur eau avant de les peser : pour pouvoir comparer les différents échantillons je diviserai la valeur de la respiration par la masse sèche des échantillons.
Image scanner d'un échantillon
En plus des racines de surface je profite d’une autre expérience pour avoir une population plus large : des filets sont placés en profondeur dans les plantations et sont colonisés par les racines en croissance. Tous les 3 mois les filets sont vidés pour estimer l’intensité de la croissance : j’en profite alors pour appliquer mon protocole aux racines de profondeur en prenant les racines du filet.