Depuis les hauts plateaux du sud
La forêt: ressource incontournable
Les villages des hauts plateaux: symbiose forestière!
Ici les villes sont très étendues (mais au milieu des champs on est parfois encore dans les limites de l'agglomération!), notamment car elles sont organisées de façon linéaire le long de la route et que personne ne se déplace à pied: tous à mobylette ou en voiture pour les plus aisés.
Cependant dès que l'on parvient à s'éloigner on rencontre de nombreux villages, peu étendus, habités par les peuples originaires de la région: Edê, Jaraï, Muongs... ces populations sont aujourd'hui minoritaires par rapport à la population Kinh (les Viets) venue s'installer peu à peu.
En prenant le bus (et son temps!) on s'aperçoit que les villageois vivent de façon très traditionnelle.
Quelques bêtes ...
La région de Tay Nguyen est réputée pour les éleveurs d'éléphants
Ecorces et fruits sèchent au bord de la route bordée de "longues maisons" de bois accueillant plusieurs générations
Traditionnellement les villages tirent une grande partie de leur ressource de la forêt: cueillette d'une variété impressionnante de feuilles, un peu de culture sur brûlis, chasse, récolte de bois de chauffage et de construction... Pour eux la forêt fait partie du village: d'après les concernés, les enfants vont s'y promener après l'école, les adultes y trouvent alimentation et matériaux indispensables.
Les sépultures sont assez étonnantes. Elles s'organisent en petit village à l'Ouest de celui habité par les vivants, un peu à l'écart, là où les hautes herbes atteignent 1m et les arbres apportent un peu d'ombre.
Les familles se rendent régulièrement pour apporter à manger et décorer les tombes jusqu'à ce que l'âme soit passée dans l'au-delà sous forme d'une araignée avant de revenir sur terre en goutte de rosée et d'imprégner la terre pour un nouveau cycle (croyance Jaraï).
Dans ces cimetières, les tombes abandonnées côtoient les récentes très décorées et remplies d'offrandes
De la jungle à la rizière
Fini les arbres, place au progrès et à la production!
A partir de 1986 le Vietnam a lancé le "Đổi mới" ou "renouveau": fin de l'embargo américain, ouverture à l'économie de marché, instauration de la propriété privée... Tout cela pour donner un nouveau visage au pays.
Cette transformation a bien fait son oeuvre: les investissements étrangers sont de plus en plus nombreux, le pays est entré dans l'ASEAN et l'OMC, les mobylettes ont remplacé les vélos, les produits chinois envahissent les supermarchés...
Le visage des plateaux aussi a changé. L'horizon s'est ouvert aux cultures et à de nouveaux habitants venus se lancer dans l'agriculture ou la sylvicultre mais il s'est aussi éclairci suite à la déforestation d'une part impressionnante de forêt primaire: de 1990 à 2005 elle fut réduite de 20% par an tandis que la surface plantée augmentait chaque année de plus de 100%.
Aujourd'hui cette tendance est à la baisse... mais la forêt est le reflet d'un pays et on peut y lire les erreurs du passé des décennies après.
Les gens ont assisté à cette transformation du pays. Des terres auparavant impénétrables sont aujourd'hui des champs de maïs. Un petit tour dans les montagnes est révélateur:
Hévéas, du côté de Ea'Hleo
Poivriers, ces lianes poussent sur des troncs d'arbres à cajou ou de manguiers
Cela a bien entendu des conséquences sur la vie quotidienne.
D'une part, les ethnies villageoises habituées à vivre à proximité de ressources forestières se déplacent de plus en plus vers l'intérieur des plateaux du Sud Vietnam. Les migrations sont importantes depuis le Nord où il n'y a déjà plus de réel massif forestier.
D'autre part, les gens sentent bien qu'il y a maintenant une vraie séparartion entre eux et la forêt. Elle est lointaine, confinée dans des îlots de protection tels que les parcs naturels où la protection est totale mais qui servent surtout de vitrine pour montrer une volonté de préservation.
Loin des yeux, loin du cœur... le quotidien ne s'organise plus autour des sites naturels mais cela a des conséquences que l'on voit à long terme: érosion, inondations, tensions sociales, pauvreté...
Sacrée forêt
Le 5e élément : forêt mystique
Le feu, l’eau, la terre, le métal et le bois : les 5 éléments de la tradition bouddhiste, principale religion du Vietnam.
Briques de base de tout ce qui constitue le monde, de cette structure découle de nombreuses traditions comme la médecine chinoise. Dans la philosophie bouddhique le monde est en constant mouvement autour d’un équilibre subtil entre bien et mal, ying et yang.… la forêt est donc également au centre de la vie spirituelle.
Le bouddha lui-même (Gotama), lorsqu’il atteint le nirvana et perçoit la perfection du monde, est assis au pied d’un Manguier devenu mythique. Il n’est pas rare de trouver des représentations de bouddha au pied de divers arbres.
Les arbres revêtent une grande importance dans de nombreuses religions et notamment dans les traditions animistes des minorités ethniques. Ils abritent des esprits et chaque espèce a sa signification.
Le Bagnan est particulièrement important. Avec un lac et un temple accueillant les génies c'est l’un des éléments indispensables pour installer un village sans quoi le lieu ne correspond pas à un équilibre correct des éléments.
Dans la culture Viet enfin, parmi les 5 royaumes du monde céleste celui de la forêt est particulièrement important et puissant, abritant bêtes sauvages et ressources.
Souvent des autels dédiés aux génies, encadrés de bâtons d’encens et agrémentés d’offrandes, sont placés dans les rues ou devant les maisons.… généralement dans le creux d’un arbre ou au moins à proximité.