Guyane: département forestier
L'or de la Guyane
La Guyane fait partie dans sa vaste partie Sud du bouclier Guyanais, grand ensemble géologique qui recouvre Guyana, Suriname, Nord du Brésil et Guyane française. Issu de d'une formation montagneuse il y a plus de 2000 entre Nord-est de l'Amérique du Sud et Ouest Africain, cette formation est aujourd'hui un vaste plateau érodé depuis plusieurs millions d'années dont les roches anciennes (granitiques) affleurent à la surface.
Carte géologique de la Guyane, issue du site du Brgm
On y trouve en plus une description détaillée de la géologie Guyanaise
Dans ces formation quartziques anciennes (le granite, composé en grande majorité de quartz, est le principal constituant de la croûte terrestre) l'or du sous sol peut remonter suite à une activité volcanique ou tectonique, et se concentrer dans les failles formant ainsi des veines aurifères. Ce sont les gisements d'or primaires, exploités par forages profonds puis concassage et séparation centrifuge du métal précieux. Cette exploitation minière de l'or se fait légalement en Guyane à l'aide d'une technologie lourde et complexe.
Cependant l'érosion naturelle de ces filons, par le vent ou la pluie, détache de fines particules d'or qui sont acheminées par ruissellement d'eau de pluie (on dit qu'ils sont lessivés) jusque dans les cours d'eau où ils se concentrent dès que le courant ralentit et que le profil du ruisseau est plus plat. Les zones où se concentre le minerai sont les gisements secondaires, exploités souvent de façon illégale directement dans les cours d'eau.
Un gisement secondaire se repère souvent à la "batée": cette grande coupelle où on fait lentement tourner à la main une poignée d'alluvions (=particules organiques ou minérales déposées par les eaux) pour séparer les éléments selon leur poids.
Utilisation de la batée, dans un cours d'eau près des marais de Kaw...
Heureusement je n'ai pas trouvé d'or
L'or tant très lourd il se retrouvera au fond de la battée. Le gisement repéré, la zone est défrichée pour installer les machines d'exploitation et les infrastructures de la ville "champignon" qui naîtra de l'activité temporaire d'exploitation aurifère. Pour dégager l'or piégé dans les alluvions on réduit en "pulpe" la terre des rives à l'aide de pompes sous pression. Cette pulpe passe sur de grandes tables vibrantes recouvertes d'une moquette qui piège les particules d'or. Enfin pour récupérer l'or on l'amalgame en passant du mercure sur la moquette et on récupère ainsi des pépites d'or.
L'exploitation légale de l'or impact l'environnement mais les contrôles auxquels sont soumises les entreprises permettent de compenser ces dommages. L'exploitation illégale cependant, en plus de ne rien rapporter à l'économie Guyanaise et sa population, entraîne une destruction quasi-irréversible de la forêt et des rives d'autant plus que les machines et produits utilisés sont souvent laissés sur place après exploitation. Mercure et autres produits chimiques sont utilisés sans précautions et rejetés dans le fleuve, entraînant de graves maladies pour les travailleurs, une pollution des cours sur plusieurs km en aval de chaque site d'exploitation et une intoxication de la faune et de la flore qui remonte jusqu'aux populations vivant le long des fleuves. Enfin l'orpaillage donne lieu à de nombreux trafics et une violence d'autant plus incontrôlable que les sites d'orpaillage illégaux poussent de façon anarchique au beau milieu de la jungle, rendant difficile l'intervention des autorités.
Planter des arbres dans l'abattis?
Comme évoqué à l'article précédent, les abattis sont en Guyane un important mode de production mais en pleine mutation du fait de l'augmentation de la population et des changements sociaux et culturels. Des questions se posent donc sur de nouveaux modes de gestion et de valorisation, notamment en agroforestierie qui intégrerait des arbres dans les abattis. Des espèces pionnières (peu exigeantes écologiquement et à croissance rapide) apporteraient des revenus supplémentaires et pourraient améliorer les conditions de culture par l'apport d'ombre et le maintient des sols et de leur fertilité.
Un groupe d'étudiants a réalisé en septembre une étude de terrain auprès des populations pour étudier cette possibilité: Clara, Manon, Vincianne, Gwendoline, Alexandre et Thomas ont été visiter des abattis et discuter avec leurs propriétaires.
Fleurs et fruits d'ananas
Leur travail a montré qu'il était compliqué d'installer les arbres au sein des abattis, avant tout pour des raisons pratiques car les plants sont chers, difficiles à planter, à entretenir et à exploiter. Les retombées économiques en seraient trop faibles par rapport aux efforts nécessaires. de plus le besoin ne s'en fait pas ressentir: le bois de chauffage domestique est souvent trouvé en forêt et des essences chères pousseraient trop lentement et mal dans les conditions d'un abattis. Enfin les arbres peuvent être dangereux à cause des chutes de branches ou de l'arbre entier: lorsqu'un arbre est laissé sur l'abattis c'est que son abattage s'est avéré trop compliqué au moment du défrichage ou qu'il s'agissait d'un arbre sacré.
Malgré tout on peut encore réfléchir à une approche différente via des arbres fruitiers ou ornementaux dont le bénéfice serait rapide et certain pour le propriétaire et qui rempliraient leur rôle d'ombrage et de protection des sols. Affaire à suivre...
Bienvenu à l'abattis
En Guyane le lien entre forêt et population reste ténu malgré un territoire recouvert à plus de 95% par l'Amazonie. La population se concentre sur le littoral, tout comme les activités économiques et agricoles (maraîchage, pêche maritime, quelques scieries...).
Le lien quotidien avec la forêt se fait souvent via les abattis: parcelles de 3 ou 4 ha défrichées et entretenues par les particuliers pour leur consommation. 3/4 de la production agricole de Guyane se fait sur les abattis, lorsque ceux-ci sont bien gérés ils permettent largement l’auto-subsistance de la population bien que leurs retombées économiques soient minimes.
Abattis en fin de brûlis, dans la région de St Laurent du Maroni
La photo a été prise par Thomas Andrieu, merci à lui!
Lors de l'installation de l'abattis, arbres, lianes et végétation basse sont coupées puis brûlées sur place pour fertiliser le sol en y laissant les minéraux issus de la matière végétale. On plante ensuite manioc, bananes, papayes, ignames... organisés de façon à ce que les plantes à croissance rapide fassent de l'ombre aux suivantes ne supportant pas une exposition trop forte. Le défrichement, l'entretien et la jachère répondent à des règles strictes propres à chaque origine ethnique (Bushi-Nenguée, Amérindienne, Haïtienne...) qui assurent la durabilité du procédé. Après 3 ans l'abattis est laissé en jachère pour permettre au sol de se reconstituer et à la forêt de reprendre ses droits: l'espace est recolonisé par une succession d'herbes puis d'arbres locaux venant naturellement de la forêt alentour.
En espaçant ainsi les zones agricoles, au milieu de la forêt et sur de petites surfaces l'agriculture sur brûlis permet de limiter l'érosion des sols et l'invasion d'insectes nuisibles. Les zones agricoles sont en effet protégées par la forêt environnante et les maladies ou les ravageurs passent difficilement d'une culture à l'autre.
Cependant une telle gestion est difficile, peu extensible et demande un savoir-faire précis et difficile qui a tendance à se perdre. Cela menace l'économie et l'agriculture mais également l'environnement et la durabilité des cultures: une mauvaise gestion conduit à l'épuisement des sols et à des problèmes d'érosion ou de ravageurs.